Edgar la prune
Conte débridé de Noël
Quand
je regardais par la fenêtre de la grande chambre où presque tous nous nous
couchions en hiver, j’apercevais au loin une lumière qui brillait toute la
nuit. C`était en fait la maison située près du croche dans notre rang, la
fameuse courbe où mon frère aîné avait été témoin d’un terrible accident qui
avait décimé la famille de Zéphirin Fortin.
Or donc, cette maison où était accrochée cette ampoule qui me fascinait appartenait à celui qu’on appelait Edgar la prune. On devine bien pourquoi on l’avait affublé d’un tel nom. On n’a pas besoin d’avoir la tête à Papineau pour nous rendre compte de cette grosse bosse qu’il avait au front.
Edgar
n’avait jamais mis les pieds à l’église et refusait systématiquement que le
curé entre chez lui lors de sa visite paroissiale annuelle. Moi à l’adolescence,
alors que je fréquentais le Petit Séminaire de Saint-Georges, une usine à faire
des curés, j’étais vraiment intrigué par le comportement de cet homme. Surtout
que je me destinais à la prêtrise, non pas que c’était vraiment ma volonté,
mais bien celle de ma mère. Rendu à son quatrième garçon, elle décida à sa
naissance de lui donner comme deuxième prénom celui de Donat, en l’honneur de
Donat Tanguay, un curé intégriste préoccupé par la tenue vestimentaire de ses
paroissiennes. Pendant toute mon enfance et mon adolescence, on me considérait
déjà comme le prêtre de la famille.
À
l’adolescence étant un peu moins gêné, je décidai un vingt-quatre décembre d’en
avoir le cœur net. J’allai cogner à sa porte pour lui poser des questions et
vérifier pourquoi il refusait systématiquement la pratique religieuse. Il me
reçut poliment et m’invita à m’asseoir à la table de la cuisine.
-
Monsieur
on ne vous voit jamais à la messe et le bruit coure que vous ne croyez pas en
Dieu et encore moins à son Église où il est dit : Hors de l’Église point
de salut.
- Pauvre garçon qu’est-ce que j’ai à foutre de toutes ces croyances. Toi qui veux aller à la messe de minuit, crois-tu vraiment qu’il va naître ton petit Jésus ce soir ? Crois-tu vraiment qu’une femme peut mettre un enfant au monde et rester vierge ? Tu veux devenir prêtre pour propager toutes ces balivernes ?
Je restai bouche bée et étonné par tant de franchise. Il me parla alors longuement de toutes ces croyances comme l’infaillibilité papale, de ces saintes et ces saints que l’on invoque, de tous ces pseudo-péchés dont on s’accuse. Je constatai que cet homme était un être réfléchi dont j’admirais la franchise. Il n’était pas un mouton qui bêle comme tous les autres dans une bergerie.
Je
retournai chez moi tout remué. C’était la première fois que j’entendais de tels
propos. Un doute commença à s’installer dans mon être sur la pertinence de ma
future vocation sacerdotale. Mais pas assez pour y renoncer. C’est à l’aube de
la trentaine après des études en théologie et étant à la veille d’être ordonné
que la lumière fut et qu’Edgar devint mon modèle à suivre.
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