Le Dépère Noël sur la Côte Amalfitaine

                           

 

                            Je suis le Dépère Noël qui récupère à Copenhague

Je passe des journées entières sur la véranda
J’ai passé plusieurs mois à me refaire une santé
J’ai comme remède infaillible les baisers de ma Danoise

Je fus estomaqué par une étonnante annonce
Je pars avec elle pour un séjour sur la Côte Amalfitaine
J’ai été convaincu par elle que ce sera un efficace remède
Je vais côtoyer deux Divines : la Danoise et la Côte

Je pourrai me promener de Positano à Vietri Sul Mare
Je contemplerai ce maquis unique pour ses couleurs
Je me ferai peur à longer les pentes rocheuses et escarpées
Je plongerai mes yeux dans le bleu d’une mer profonde

Je séjourne dans une maisonnette avec terrasse à Amalfi
Je séjourne dans la première des quatre Républiques maritimes
Je séjourne dans un chef-d’œuvre au niveau du paysage
J’admire cette perle splendide, ces fleurs rouges à calice

Je déguste mon Chianti avec elle près des bougainvillées
Je m’assois près d’elle sur les marches de la cathédrale
Je vais l’enlacer dans la Tour du Ziro, la forteresse
Je fais une pause à la fontaine des amoureux

Je vais avec elle à Ravello, pivot de beauté et de culture
Je la promène dans les ruelles entourées de fleurs
Je la vois contempler les magnifiques faïences
Je suis envoûté par le charme extraordinaire de Ravello

Je me rappelle Greta Garbo dans sa fuite d’amour
Je suis ensorcelé par Wagner dans la Villa Rufolo
Je me cache avec ma Danoise dans la Villa Cimbrone
Je suis envahi par les effluves de ma Danoise et des fleurs

Je me promène au fil des jours dans ces décors de rêve
Je pars avec elle pour Minori, Maiori, Erchie et Cetara
Je séjourne un long moment à Positano, la superbe
Je règne heureux dans le royaume des scalinatelles

J’adore ce village vertical qui monte vers le ciel
Je suis au septième ciel avec ma Danoise enchanteresse
Je vais me cacher avec elle dans la Grotte La Porta
Je suis couvert de baisers à Nocelle, un très joli hameau

Je coule ainsi des jours, des semaines, des mois bénis
Je connais Praiano, Furore, Atrani et Conca dei Marini
J’ai senti mon cœur exploser à quelque part dans Capri
Je suis le Dépère Noël ignorant totalement son ancienne vie

Le Dépère Noël victime du Clostridium difficile

                                           Je suis le Dépère Noël loin de Compostelle

J’ai eu la vie sauve grâce à une bartavelle
Je suis au Danemark grâce à une Danoise
Je suis soigné dans un hôpital de Copenhague

Je suis arrivé là à demi conscient
Je sais que la belle Danoise est à mon chevet
Je suis traité aux antibiotiques
Je souffre d’une insupportable colique

J’ai une diarrhée qui n’en finit plus
J’apprends que j’ai le Clostridium difficile
Je suis infecté par une bactérie
Je suis isolé pour empêcher la contamination

J’apprends qu’on interdit à la Danoise de me visiter
Je suis soigné par des personnes masquées
Je sais que cette bactérie aime les hôpitaux
Je crains ce lieu qui aura peut-être ma peau

J’ai été infecté par un travailleur de la santé
J’ai été touché par un gant souillé de matières fécales
Je me suis touché la bouche et les muqueuses
Je souffre de nausées, de diarrhées aqueuses

J’ai perdu l’appétit
J’ai des douleurs abdominales
J’ai de graves complications
Je souffre de déshydratation

J’avais pris du Prevacid
Je traitais des ulcères d’estomac
Je ne produisais plus d’acide gastrique
J’étais un terrain fertile pour la C. difficile

Je m’ennuie de ma belle Danoise
Je n’ai plus son support moral
Je ne me souviens plus de mon autre vie
Je suis en mode survie dans un hôpital de Copenhague

Le Père Noël secouru par une Danoise

 

Je ne suis plus le Père Noël
Je vis en marge de la société
Je me nourris de plantes et de racines
Je rôde la nuit près des granges et des mansardes

Je suis plus une bête qu’un humain
J’ai des neurones qui fonctionnent au ralenti
Je sombre graduellement dans une léthargie
Je ne fonctionne que par automatismes

Je fus sauvé par un râle plus fort qu’un autre
Je fus entendu par une Danoise sortie du sentier
Je fus sauvé par une bartavelle qu’elle admirait
Je fus amené par la Danoise dans sa chambre

Je ne me souviens plus de ce qui s’est passé
J’ai su que j’étais resté longtemps dans un état comateux
J’ai su qu’elle m’avait transféré dans un hôpital du Danemark
J’ai su qu’elle se tenait à mon chevet nuit et jour

Je remontai lentement et péniblement à la surface
Je reprenais petit à petit quelque force
Je ne pouvais pas encore prononcer un seul mot
J’ai ajouté quelques kilos à ma masse corporelle

Je ne sais plus qui je suis et où je suis
Je sais qu’il y a une Danoise qui veille sur moi
Je sais qu’elle me tient la main et me couvre de baisers
Je sais que ma vie dépend de cet ange sorti de je ne sais où

Je n’ai plus de passé
Je ne sais rien de mon futur
Je sais qu’une Danoise veille sur moi
Je sais qu’elle me couvre de baisers

Je ne sais rien de cette femme
Je vois qu’elle est très belle
Je ne sais pas pourquoi elle s’occupe de moi
Je sens qu’elle a quelque chose à voir avec l’éternité

 

Le Père Noël vit une initiation solaire

                                                     

                                             Je ne suis plus le Père Noël

Je jeûne depuis 40 jours et 40 nuits
Je ne suis plus que l’ombre de moi-même
Je suis un mort-vivant qui se profile à l’horizon

J’ai des pics de lucidité tard dans la nuit
J’ai été tricoté par cette société dans mes habitudes
J’ai été tricoté par cette société dans mes idéologies
J’ai été tricoté par cette société dans mes modes d’agir et de penser

Je suis parfois en attente d’un sauvetage
Je suis parfois en attente d’une solution miracle
Je cherche une solution définitive à ce qui est temporaire
Je veux quitter l’inconfortable inconnu pour le connu

Je dois faire face à l’idée de supporter la solitude
Je dois bannir tout ce qui me donne l’impression d’exister
Je dois abandonner l’illusion de permanence
Je dois changer ma dynamique intérieure

Je dois apprendre à supporter le vide
Je dois laisser entrer la lumière
Je dois découvrir les véritables forces énergétiques
Je dois fracturer les voiles de mes mémoires

Je vois que la société n’a plus rien à m’apporter
Je ne veux rien savoir de l’argent, de la gloire, de l’aventure
Je dois entreprendre mon travail intérieur seul
Je sais qu’un danger d’illusion me guette

Je m’endors affamé à quelque part vers Compostelle
Je suis empêtré dans l’imbroglio humain et sociétal
Je ne suis plus que l’ombre du Père Noël
Je suis un jacquaire en attente d’une résurrection

Le Père Noël brûlé par la douleur

 

Je suis de moins en moins le Père Noël
Je me tiens caché à quelque part
Je suis en pleine crise d’identité
Je cherche et je me cherche

Je ne marche plus dans le sentier
Je marche dans les champs et la forêt
J’évite les humains
Je les fuis comme la peste

J’ai vu ce qu’ils font au Darfour
J’ai vu ce qu’ils font en Irak
J’ai vu ce qu’ils font en Afghanistan
J’ai vu ce qu’ils font en Israël et en Palestine

J’ai donné mes vêtements à un pauvre gueux
Je n’ai gardé qu’une ceinture pour couvrir ma nudité
Je n’ai conservé qu’un petit manteau couleur de terre
Je ne vais plus dans les gîtes et je mendie pour survivre

Je ne mange qu’une fois par jour
Je ne mange jamais rien de cuit
Je n’ai plus de bedaine
Je suis d’une grande maigreur

J’ai des yeux agrandis qui ont des visions
J’ai des doigts amincis avec des ongles démesurés
J’ai une barbe encore plus longue et ébouriffée
Je me tiens loin des gens sauf pour mendier

J’ai le souvenir de marchands qui trafiquent
J’ai le souvenir de personnes en deuil qui pleurent
J’ai le souvenir d’infirmières qui soignent des malades
J’ai le souvenir de prêtres qui disent des messes

J’ai le souvenir des amants qui s’aiment
J’ai le souvenir des mères qui donnent le sein
J’ai le souvenir des informaticiens qui programment
J’ai le souvenir des artistes qui chantent

Je garde un goût amer du monde
Je subis une vie de torture
Je vide mon cœur de tout son contenu
Je n’ai plus d’aspirations, de désirs

Je n’ai plus de rêves, de joies
Je n’ai que de la souffrance
Je veux mourir à moi-même
Je ne veux plus être moi

Je cherche la paix
Je cherche la sainte paix
Je ne suis plus le Père Noël
Je suis un jacquaire brûlé par la douleur

 

Le Père Noël veut réécrire son histoire

 

Je suis désigné comme le Père Noël

Je me suis terré, caché, éclipsé

J’ai passé la journée à jongler
J’ai craché, piétiné et uriné sur mon symbole

J’ai rencontré un gueux
J’ai échangé mes vêtements
Je deviens incognito
Je deviens un quelconque quidam

Je veux réécrire mon histoire
Je veux écrire une version scientifique et objective
Je veux faire l’inventaire avec tout ce qui s’est passé
Je veux sortir de cette logique de mercantilisme

Je veux revoir mon concept
Je veux connaître mes origines
Je veux savoir si j’ai été importé ou exporté
Je veux en finir avec cette perversion, cette escroquerie

Je comprends que je suis né avec le capitalisme
Je comprends que j’ai remplacé le petit Jésus
Je comprends que les gens s’endettent à cause de mon mythe
Je comprends que mon image est devenue ingérable

Je veux retrouver ma dignité
Je veux m’aligner vers un autre vécu
Je suis de moins en moins le Père Noël
Je veux changer les paramètres de mon existence

Le Père Noël émotivement perturbé

 

Je suis le Père Noël
J’ai vécu hier une maudite contradiction
J’ai fait un virage à 360 degrés dans mes convictions
J’ai incité une grand-mère à perpétuer mon symbole

J’ai écrit jadis que j’étais une ordure
J’ai écrit jadis que j’étais une pourriture
J’ai écrit jadis que j’étais une souillure
J’ai écrit jadis que j’étais une gerçure

Je me réveille ce matin avec une mauvaise conscience
Je me réveille en pleine incohérence
Je me réveille dans une totale inconscience
Je me réveille au bord de la démence

Je n'ai jamais eu aussi honte de moi
Je ne suis jamais descendu si bas
Je ne me suis jamais autant prostitué
Je ne me suis jamais autant charcuté

Je suis le symbole de la super consommation
Je suis le fer de lance du capitalisme christmastique
Je suis une création, une invention, un super ballon
Je suis incapable de supporter cette contradiction

Je ne me vois plus revenir avec mon gros sac de jouets
Je ne me vois plus assis devant une file de bambins
Je ne me vois plus faire des saluts dans des parades
Je ne me vois plus vivre cette maudite supercherie

Je prends aujourd’hui une journée de congé
Je ne me vois vraiment pas sur la route à trottiner
Je ne me vois pas avec d’autres pèlerins à potiner
Je ne me vois pas à chaque pas avec une envie de restituer

Je me terre à quelque part encore loin de Compostelle
Je ne sais vraiment plus ce que je fais là
Je suis ou je ne suis pas le Père Noël
Je suis perturbé, dérangé, troublé, dévasté, décomposé

 

Le Père Noël piégé par une grand-mère jacquaire

     Je suis le Père Noël

Je marche jour après jour vers Compostelle
Je me rends compte que cela devient routinier
Je place un pas devant l’autre jusqu’à l’arrivée au gîte

Je pars très tôt le matin et je termine la marche assez tôt
Je réfléchis sans cesse sur ma condition de Père Noël
Je me rappelle mes premiers blogues très critiques envers moi
Je me traitais d’ordure, d’imposture, de pourriture

Je me fais croiser par une grand-mère qui me sort de ma torpeur
Je m’entends dire qu’elle a cinq petits-enfants
Je m’entends dire qu’elle a lu mes blogues critiques
Je m’entends demander si elle doit les laisser croire au Père Noël

Je me vois confronté à mes écrits par cette grand-mère
Je lui dis d’attendre ma réponse un peu plus tard
Je dois réfléchir à cette grave question existentielle
Je sais que cela touche le développement de ses petits-enfants

Je lui réponds que croire au Père Noël est plus qu’une simple tradition
Je lui réponds que cela participe au développement de ses petits-enfants
Je lui réponds que cela fait partie de leur imaginaire
Je lui réponds que cela les aide à s’adapter à la réalité

Je sais que plus d’imagination amène à trouver plus de solutions
Je sais que la croyance en moi permet de promouvoir des valeurs
Je pense au sens du partage et à la générosité
Je suggère de ne pas briser ce secret et de leur laisser vivre cette belle magie

Je suis contre le chantage en utilisant mon personnage
Je suis contre l’utilisation du si tu n’es pas sage…
Je suis contre la figure punitive
Je déteste la manipulation

Je suis dans les rêves de ses petits-enfants
Je sais un peu ce que je fais là
J’ai rendu heureuse la grand-mère
Je devrai supporter les conséquences de cette contradiction

Le Père Noël toujours en route pour Compostelle

 

Je suis le Père Noël
Je reprends tôt la route, les autres pèlerins dorment
Je préfère la solitude pour le moment
Je ne peux plus supporter le bla bla de certains

J’ai rencontré plusieurs pèlerins depuis le début de la marche
J’ai connu Alfred qui capote sur la performance
Je vois qu’il est hautement compétitif
Je sens que la dimension physique est sa tasse de lait

Je préfère ceux qui n’ont rien à foutre de marcher vite
J’ai une grosse bedaine et mon cœur pompe facilement
Je suis agacé par ces pèlerins performants qui marchent vite
Je ne comprends pas leur satisfaction d’arriver les premiers aux gîtes

Je passe parfois des nuits à ne pas dormir
J’assiste impuissant aux spectacles sonores des gros ronfleurs
Je dois dire aussi que je vois des éoliennes sur ma route
J’entends la musique lugubre de leurs hélices

Je me rappelle alors le débat qui fait rage en Gaspésie
Je vois les éoliennes défigurées les beaux paysages
Je vois le dieu argent saliver en suppliant Éole
J’apprends que Québec solidaire veut les nationaliser

J’ai à peine le temps de réfléchir sur la nation québécoise
Je suis interrompu par Albert le Pyrénéen qui a un fils à Montréal
Je croise Tom qui me raconte qu’il n’a plus d’emploi
Je rencontre une chanteuse d’opéra drôle et sympathique

Je suis abordé par Jonathan qui marche avec son père
Je vois qu’il trouve le trajet difficile parce qu’il a plu
Je vois qu’il peine à suivre la cadence
J’ai l’impression qu’il pense qu’on le voit comme un fils à papa

Je vous fais grâce des autres hurluberlus
Je ne sais plus trop ce que je fais là
Je suis le Père Noël
Je dois soigner cette nuit mon étirement musculaire

 

Le Père Noël encore en route pour Compostelle

 

Je suis le Père Noël
Je me cherche tout en marchant vers Compostelle
J’ai le mollet droit fatigué après six heures de marche
J’arrive enfin à l’auberge Puenta la Reina

Je n’ai pas faim et j’aperçois une machine Internet
Je vais naviguer un peu dans Cyberpresse
Je vois que tout un débat se déroule au Canada
J’entends cris et hurlements autour du mot nation

Je reconnais que le Québec forme une nation
Je ne savais pas qu’on venait de découvrir cela à Ottawa
J’ai toujours pensé que le Québec était un pays à venir
J’ai toujours pensé que le Québec formait un peuple

Je sais que le Québec n’est pas reconnu dans la Constitution
Je sais que cette Constitution a été rapatriée sans le Québec
Je sais qu’un parti sécessionniste trône à Ottawa
Je sais que les armes de guerre au Canada sont des mots

Je sens que cette polémique est très humiliante
Je sais que les anglophones ne veulent rien savoir
Je sais qu’ils ne veulent pas vivre un autre référendum
Je n’ose pas croire que le pays du Québec restera un rêve

Je suis victime d’un ordinateur dont l’écran gèle
Je ne suis pas fâché et la déprime me gagnait
Je retourne auprès des autres pèlerins
J’arrive à peine à ingurgiter quelque chose

Je songe à ma prochaine destination
Je devrai marcher 28 kilomètres pour l’atteindre
J’aurai le temps de réfléchir sur l’identité québécoise
J’aurai le temps d’oublier aussi ce psycho-drame

Je dors profondément à Puenta la Reina
Je sais ce que je fais là
Je suis le Père Noël
Je veux retrouver mon identité sur la route de Compostelle