Cela semble étonnant d’écrire qu’il faut se
réapproprier sa vie alors que nous vivons la sublime aventure d’une personne en
vie. En me réveillant ce matin, j’ai fait un terrible constat. On passe sa vie
à vivre pour. Oui, pour. Pour aller faire l’épicerie, pour laver le plancher,
pour aller à l’hôpital, pour aller chez le dentiste, pour prendre sa douche,
pour, pour, pour… Comment pourrait-il en être autrement.
C’est sur quoi je m’épanchai longuement.
Sans devenir fou, peut-on porter une attention
d’instant en instant aux tâches, aux expériences et aux rencontres de la vie
courante? Jamais on ne m’a dit ou enseigné qu’il fallait que je mette de la
conscience dans toutes les activités de ma vie quotidienne. Je dois alors
comprendre et expérimenter par moi-même que le fait d’introduire de la pleine
conscience dans tout fera ombrage à toutes ces pensées intruses qui fourmillent
dans ma tête et qui s’interposent entre mon moi et ce qui se passe en réalité
en ce moment. Je fis alors quelques pas dans ma chambre et je me suis dit que
c’était tout un contrat à vivre, à réaliser.
Si je chasse toutes ces pensées venues d’ailleurs,
il est évident que mon mental deviendra plus calme et plus attentif. Je
constate qu’il est plus agréable d’être dans l’instant même que de se faire
trimbaler par des pensées qui ne mènent nulle part.
Assez palabrer. Mettons en pratique cette découverte
prodigieuse qui m’arrive alors que ma vie tire à sa fin. Faire la vaisselle.
Voilà le test le plus simple qui se présente à moi. C’est une tâche ordinaire
que les 7 à 8 milliards d’humains sur cette planète doivent faire trois fois
par jour. Toute une constatation, me dis-je. Je dois m’astreindre à ne pas me
dépêcher pour passer à autre chose. Le fait de ne pas me dépêcher est déjà tout
un défi en soi. Qu’est-ce qui serait mieux ou plus important que de laver cette
vaisselle présentement? Je réalise qu’au moment où j’essuie mes plats, cela
devient ma vie, mon instant présent. Je dois prendre conscience que cet instant
de vie m’appartient totalement, que cet instant m’est unique.
Si je rate ce rendez-vous avec la vie parce que mon
esprit m’amène ailleurs, j’appauvris mon humaine existence. Je prends donc
chaque tasse, chaque assiette, chaque fourchette comme elle vient, conscient
des mouvements de mon être quand je la tiens, la frotte, la rince, conscient du
souffle et du mouvement de mon esprit tout présent dans mes moindres gestes.
Je venais de mettre en pratique le terrible constat
fait le matin assis sur le bord de mon lit. Je réalisai que ce je venais de
faire avec ma vaisselle pouvait suivre une approche similaire avec tout. Faire
tout avec tout mon être. Une présence consciente dans chaque instant de vie
fait de rencontres, de gestes routiniers, d’activités nécessaires pour le mortel
que je suis. Je venais de comprendre qu’habiter son corps, être présent à
soi-même, c’est le retour à la maison, c’est vivre l’instant présent sans se
soucier du passé ni du futur. Ce n’est plus supporter le temps, c’est être le
temps, vivre la permanence de l’impermanence. Telle est ma condition humaine.
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