vendredi 16 janvier 2015

Toujours vivant

Pour mieux comprendre les propos du blogueur que je suis, il faut savoir que je suis un retraité de l’enseignement, responsable d’un bulletin sectoriel et un bénévole dans cette association de personnes retraitées.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi.  Probablement pas! J’ai toujours l’agréable surprise en me réveillant de constater que je suis toujours vivant. Si tel n’était pas le cas, on devrait trouver une autre personne en catastrophe pour rédiger le bulletin sectoriel, s’occuper du réseau social, etc. Quelle perte aréquienne cruelle!  J’aurais alors emporté cette chronique quelque part dans les vastes espaces sidéraux. Mes poèmes qui agitent convulsivement la condition humaine sombreraient dans le néant, un peu comme un castrat qui cherche désespérément à vociférer des sons graves.

En effet, la perte de ma propre vie est une chose qui me laisse songeur. C’est pourquoi la surprise d’être encore vivant chaque matin illumine mon être et même si je n’ai encore rien fait de ma journée cette évidence inéluctable me comble au plus haut point. N’allez pas croire que je suis si zen que cela. Non, non, je cours et j’accoure comme vous le faites sans nul doute. Il y a tant de choses à faire qu’on ne sait plus où donner de la tête. C’est le cruel destin que doivent vivre quotidiennement les personnes retraitées.

Vous vous demandez sans doute où je veux en venir avec cette chronique. Consolez-vous! Je suis le premier à me le demander. Probablement que si je me scrute moi-même, l’idée est que les petits bonheurs quotidiens devraient suffire à donner une impulsion jubilatoire à nos existences. Chaque fois qu’une personne frôle la mort, qu'elle réussit à s’extirper d’une maladie pernicieuse, d’un accident qui aurait pu être fatal, une voix intérieure s’élève et vient lui dire : profite de chaque minute, de chaque heure, de  chaque journée du fait que tu es encore vivant.

S’il y a une personne sur cette terre qui devrait comprendre et intégrer dans son être cette évidence, c’est bien la personne retraitée. Ah, mais je vous entends vous exclamer : quel être naïf, quel être disjoncté, quel con! Pourtant ce con qui publie le bulletin sait qu’on n’a pas une minute à perdre. Il faut s’occuper de la condition des hommes, des femmes, de l’environnement, du sociopolitique, de la santé des aînés, de l’indexation. Arrêtez, arrêtez, vous allez me rendre fou. Ne le suis-je pas déjà assez?

Quand on y songe sérieusement, c’est durant notre vie active qu’on aurait dû s’attaquer et résoudre ces épineux dossiers. Alors que le gros de nos préoccupations actuelles tourne à démêler nos pilules, à vérifier nos artères, à se désoler de nos incontinences, à enterrer nos proches et nos connaissances, à jouir maladivement de nos petits enfants et s’il reste du temps à faire du bénévolat.

Je persiste à affirmer que rester en vie est tout un défi. Nous ne sommes plus des jeunesses. Le fait de réaliser qu’on est encore vivant chaque matin est une grâce, un cri de sagesse, une denrée rare, un don précieux, un pied de nez à la mort.

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