En coupant mes légumes, j’écoutais Catherine Major
chanter que son cœur est une lame mal aiguisée. Il y a de ces jours où
j’aimerais qu’une lame coupe toutes les résistances qui empêchent mon cœur
d’aimer la vie tout simplement. Comment y parvenir sans tomber dans l’ataraxie,
cette absence de trouble dans l’âme. Trouver une quiétude, une tranquillité de
l’esprit pour ne plus être troublé par
les aléas du destin, voilà la sagesse qui devrait aiguiser le septuagénaire que
je suis.
Hélas, ce n’est pas ainsi que se tricote ma vie. Je
suis balloté entre le désir et la souffrance. À mesure que les années passent,
je me rends compte que la véritable sagesse, celle que ma condition humaine
m’invite à accepter et à intégrer ne peut éluder ce va et vient entre le désir
et la souffrance. Il y a une grave illusion à vouloir évacuer la souffrance à
tout prix. C’est une purgation
impossible à administrer.
Quand je pédale sur mon vélo stationnaire dans
l’unique but de me garder en santé, je souffre inévitablement. Il y a dans cet
exercice une routine assommante et si je ne mets pas un peu de musique pour
accompagner le tout, la torture est encore plus évidente. Si je m’astreins à
pédaler, c’est que le désir est là pour me souffler à l’oreille que c’est bon
pour ma survie.
Il m’est arrivé ces dernières années de me rendre en
Floride pour fuir l’hiver québécois. Quelle souffrance interminable que ce long
trajet pour assouvir mon désir de soleil. Je dois me rendre à l’évidence que
supprimer le désir, c’est supprimer la souffrance.
Je pourrais multiplier les exemples prouvant que ce
couple désir-souffrance fait partie de notre condition humaine. J’oublie
mes tentatives d’atteindre le nirvana,
de voir le désir comme un ennemi, de vouloir écarter la souffrance. Je suis un
humain et la sagesse m’ordonne d’intégrer ce couple.