L’arsource
Souvenirs campagnards débridés
Précisons d’emblée ce terme d’arsource. C’est le mot
qu’on utilisait dans mon enfance rurale pour désigner une marre d’eau creusée
dans le clos où nos vaches allaient paître. Ce que nous voulions plutôt dire, mais
qu’on ne disait jamais c’était le mot source. Encore là ce n’était pas exact,
car c’était tout simplement un trou assez grand fait par le bulldozer de
Patrice Lessard pour abreuver nos vaches laitières et évidement le taureau et
les chevaux.
Cette arsource était cependant sur un terrain humide
ce qui facilitait qu’elle se remplisse assez rapidement. Le surplus s’écoulait
dans un petit ruisseau qui descendait vers la grange pour ensuite s’en aller le
long de la terre de Philippe Thibodeau pour ensuite traverser le rang
Sainte-Évelyne sous un grès de fortune pour se diriger vers la terre de Dophe
Bérubé et traverser dans le bois d’Édouard Fortin pour se rendre finalement
jusqu’à la rivière Pozer, laquelle rivière prenait sa source au lac Poulin pour
se jeter dans la rivière Chaudière, laquelle se jetait dans le fleuve
Saint-Laurent et ensuite dans l’océan Atlantique. C’est à ce Lac Poulin que
vingt-quatre ou 25 ans plus tard j’ai vécu ma lune de miel avec ma belle Andrée
après avoir échangé notre promesse d’amour à la chapelle du Lac Raquette. Le
repas de noces fut des boîtes de Poulet Frit Kentucky, un pur délice à cette
époque.
Mais je ne veux pas donner un cours de géographie champêtre,
mais bien raconter comment cette arsource a causé de l’épouvante chez ma mère
Florence. Je suis convaincu qu’elle n’en dormait pas la nuit certaine qu’un
certain jour un de ses enfants allait se noyer accidentellement dans cette mare
d’eau dont la hauteur venait à peine à nos épaules.
Il faut que je vous raconte une de ces journées
d’horreur vécue par notre mère. En ce jour-là ensoleillé elle faisait sa
lessive à l’extérieur du hangar ce qui était plus pratique, car la corde à
linge était toute proche. Avec dix enfants, croyiez-moi cela en faisait du
linge à laver et à étendre sur la corde à linge. Rien de dramatique jusque-là
me direz-vous. Attendez un peu.
Moi et mon frère Denis à peine âgée de 4 à 6 ans, on
avait décidé d’aller jouer dans un fossé près de l’intersection de la route
Cloutier. De cet endroit notre mère ne pouvait pas nous voir et on ne l’avait
pas averti de cette excursion hors de sa vue. Après quelques heures à jouer
dans la vase avec de vieilles cuillères, on décida de revenir à la maison.
Notre mère ne nous voyant plus depuis longtemps marcha rapidement et
nerveusement vers la dite arsource convaincue qu’elle verrait avec horreur nos
deux cadavres flottés sur l’eau dans cette marre. N’ayant rien trouvé, elle
descendit nerveusement vers sa lessive et nous vit arriver tout bonnement vers
elle. Si ma mémoire est bonne, elle nous intima de nous mettre à genoux punition
que souvent on avait à cette époque religieuse. Après un certain temps prise de
remords et de commisération pour nos pauvres genoux, elle nous accorda son
absolution avec la promesse qu’on resterait toujours et à jamais à portée de sa
vue.
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