mercredi 17 décembre 2025

L’arsource

 

L’arsource

Souvenirs campagnards débridés

 


Précisons d’emblée ce terme d’arsource. C’est le mot qu’on utilisait dans mon enfance rurale pour désigner une marre d’eau creusée dans le clos où nos vaches allaient paître. Ce que nous voulions plutôt dire, mais qu’on ne disait jamais c’était le mot source. Encore là ce n’était pas exact, car c’était tout simplement un trou assez grand fait par le bulldozer de Patrice Lessard pour abreuver nos vaches laitières et évidement le taureau et les chevaux.

Cette arsource était cependant sur un terrain humide ce qui facilitait qu’elle se remplisse assez rapidement. Le surplus s’écoulait dans un petit ruisseau qui descendait vers la grange pour ensuite s’en aller le long de la terre de Philippe Thibodeau pour ensuite traverser le rang Sainte-Évelyne sous un grès de fortune pour se diriger vers la terre de Dophe Bérubé et traverser dans le bois d’Édouard Fortin pour se rendre finalement jusqu’à la rivière Pozer, laquelle rivière prenait sa source au lac Poulin pour se jeter dans la rivière Chaudière, laquelle se jetait dans le fleuve Saint-Laurent et ensuite dans l’océan Atlantique. C’est à ce Lac Poulin que vingt-quatre ou 25 ans plus tard j’ai vécu ma lune de miel avec ma belle Andrée après avoir échangé notre promesse d’amour à la chapelle du Lac Raquette. Le repas de noces fut des boîtes de Poulet Frit Kentucky, un pur délice à cette époque.

Mais je ne veux pas donner un cours de géographie champêtre, mais bien raconter comment cette arsource a causé de l’épouvante chez ma mère Florence. Je suis convaincu qu’elle n’en dormait pas la nuit certaine qu’un certain jour un de ses enfants allait se noyer accidentellement dans cette mare d’eau dont la hauteur venait à peine à nos épaules.

Il faut que je vous raconte une de ces journées d’horreur vécue par notre mère. En ce jour-là ensoleillé elle faisait sa lessive à l’extérieur du hangar ce qui était plus pratique, car la corde à linge était toute proche. Avec dix enfants, croyiez-moi cela en faisait du linge à laver et à étendre sur la corde à linge. Rien de dramatique jusque-là me direz-vous. Attendez un peu.

Moi et mon frère Denis à peine âgée de 4 à 6 ans, on avait décidé d’aller jouer dans un fossé près de l’intersection de la route Cloutier. De cet endroit notre mère ne pouvait pas nous voir et on ne l’avait pas averti de cette excursion hors de sa vue. Après quelques heures à jouer dans la vase avec de vieilles cuillères, on décida de revenir à la maison. Notre mère ne nous voyant plus depuis longtemps marcha rapidement et nerveusement vers la dite arsource convaincue qu’elle verrait avec horreur nos deux cadavres flottés sur l’eau dans cette marre. N’ayant rien trouvé, elle descendit nerveusement vers sa lessive et nous vit arriver tout bonnement vers elle. Si ma mémoire est bonne, elle nous intima de nous mettre à genoux punition que souvent on avait à cette époque religieuse. Après un certain temps prise de remords et de commisération pour nos pauvres genoux, elle nous accorda son absolution avec la promesse qu’on resterait toujours et à jamais à portée de sa vue.

 


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