Toute
une fermière
Souvenir campagnard débridé
Je me souviens étant fort jeune de certaines
après-midi d’hiver où ma mère filait. On avait à cette époque des moutons et il
fallait carder la laine. Ce rouet avec son étrange bruit n’a jamais quitté mes
souvenirs. Je vois encore ma mère trempé sa laine dans un sceau pour la
colorer. C’était une chimiste qui aurait pu travailler aux lainages de Saint-Victor.
Avec cette laine, elle nous tricotait des bas, des foulards, etc.
C’est sur son moulin à coudre que ma mère exécutait ce
qui allait nous revêtir. Je la vois encore avec ses patrons étalés sur la table
et y placer le tissu qui allait devenir nos chemises et nos pantalons et les
robes de Francine et d’Odette. J’ai encore chez moi le moulin à coudre de ma
belle-mère que vous voyez sur la photo. C’est une relique du passé me servant à
y placer un bouquet de fleurs.
Pour nourrir sa nombreuse famille, il fallait des
talents de cuisinière. Je me souviens de l’époque bénie où Blond Cloutier
venait avec son «bateux» moudre notre avoine. Ma mère redoublait d’ardeur et
d’ingéniosité à la cuisine pour impressionner cet homme. Elle nous concoctait
alors des tartes dont une aux patates qui était un pur délice. J’en rêve encore
la nuit où le sommeil tarde à venir.
Que dire de la fameuse tire à la Sainte-Catherine du
mois de novembre. En arrivant de notre école primaire on humait déjà de loin
cet élixir fait avec farine et mélasse.
Chaque semaine, une montagne de pain était nécessaire
pour nourrir sa tribu. Je la vois encore pétrir son pain et voir le miracle
s’opérer et voir apparaître cette rondeur blanche remplir son plat et cet arôme
envahissant toute la maisonnée se rendant jusqu’à l’étable.
Un incontournable sur une ferme était le poulailler.
Évidemment le coq nous réveillait le matin. Pas besoin d’un Apple Watch. Les
œufs étaient indispensables dans la cuisine. Ma mère veillait jalousement sur
ses poules. Elle me raconta qu’un certain temps jadis des poules
disparaissaient du poulailler. Pour en avoir le cœur net, elle décida
d’espionner la nuit ce qui se passait autour pour découvrir que c’était une belette
qui était la prédatrice. Elle attendit que la belette sorte par le petit trou
pour lui asséner un coup fatal qui l’envoya dans le royaume astral animal.
Cependant il y a une scène qui me causait une frayeur
impitoyable. Il fallait bien que ma mère sacrifie une poule de temps en temps
pour nous nourrir. La scène était cruelle à voir et j’en ai encore des frisons.
Elle suspendait la poule à sacrifier par les pattes et lui enfonçait un couteau
dans le bec pour la saigner. Évidemment la poule gigotait jusqu’à rendre l’âme
si âme une poule a. Mon beau-frère Martin avait une autre technique plus
radicale. Il lui plaçait la tête sur une bûche et d’un coup de hache lui coupait
le cou d’où vient l’expression courir comme une poule sans tête.
Je pourrais décrire encore longtemps tous les métiers
artisanaux de mère. La baratte à beure
qu’on actionnait et dont le petit lait nous donnait de succulentes tire-liche.
Je pourrais décrire longuement ses talents en jardinage et en ornementation
florale Cela suffit pour affirmer sans l’ombre d’un doute qu’elle était toute
une fermière.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire