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dimanche 14 décembre 2025

Toute une fermière

 

Toute une fermière

Souvenir campagnard débridé


Quand je pense aux multiples talents de ma mère et de toutes ces femmes de son époque, je reste secoué par une admiration qui frise l’extase. Fermière, elle fut et occupa même un poste dans le CA de Saint-Jean-de-la-Lande. Les réunions se tenaient dans la salle paroissiale et c’est là aussi que chaque année ces fermières organisaient une exposition de leurs créations. On y retrouvait des bavettes, des bas, des napperons, des tabliers, etc.

Je me souviens étant fort jeune de certaines après-midi d’hiver où ma mère filait. On avait à cette époque des moutons et il fallait carder la laine. Ce rouet avec son étrange bruit n’a jamais quitté mes souvenirs. Je vois encore ma mère trempé sa laine dans un sceau pour la colorer. C’était une chimiste qui aurait pu travailler aux lainages de Saint-Victor. Avec cette laine, elle nous tricotait des bas, des foulards, etc.

C’est sur son moulin à coudre que ma mère exécutait ce qui allait nous revêtir. Je la vois encore avec ses patrons étalés sur la table et y placer le tissu qui allait devenir nos chemises et nos pantalons et les robes de Francine et d’Odette. J’ai encore chez moi le moulin à coudre de ma belle-mère que vous voyez sur la photo. C’est une relique du passé me servant à y placer un bouquet de fleurs.

Pour nourrir sa nombreuse famille, il fallait des talents de cuisinière. Je me souviens de l’époque bénie où Blond Cloutier venait avec son «bateux» moudre notre avoine. Ma mère redoublait d’ardeur et d’ingéniosité à la cuisine pour impressionner cet homme. Elle nous concoctait alors des tartes dont une aux patates qui était un pur délice. J’en rêve encore la nuit où le sommeil tarde à venir.

Que dire de la fameuse tire à la Sainte-Catherine du mois de novembre. En arrivant de notre école primaire on humait déjà de loin cet élixir fait avec farine et mélasse.

Chaque semaine, une montagne de pain était nécessaire pour nourrir sa tribu. Je la vois encore pétrir son pain et voir le miracle s’opérer et voir apparaître cette rondeur blanche remplir son plat et cet arôme envahissant toute la maisonnée se rendant jusqu’à l’étable.

Un incontournable sur une ferme était le poulailler. Évidemment le coq nous réveillait le matin. Pas besoin d’un Apple Watch. Les œufs étaient indispensables dans la cuisine. Ma mère veillait jalousement sur ses poules. Elle me raconta qu’un certain temps jadis des poules disparaissaient du poulailler. Pour en avoir le cœur net, elle décida d’espionner la nuit ce qui se passait autour pour découvrir que c’était une belette qui était la prédatrice. Elle attendit que la belette sorte par le petit trou pour lui asséner un coup fatal qui l’envoya dans le royaume astral animal.

Cependant il y a une scène qui me causait une frayeur impitoyable. Il fallait bien que ma mère sacrifie une poule de temps en temps pour nous nourrir. La scène était cruelle à voir et j’en ai encore des frisons. Elle suspendait la poule à sacrifier par les pattes et lui enfonçait un couteau dans le bec pour la saigner. Évidemment la poule gigotait jusqu’à rendre l’âme si âme une poule a. Mon beau-frère Martin avait une autre technique plus radicale. Il lui plaçait la tête sur une bûche et d’un coup de hache lui coupait le cou d’où vient l’expression courir comme une poule sans tête.

Je pourrais décrire encore longtemps tous les métiers artisanaux de mère.  La baratte à beure qu’on actionnait et dont le petit lait nous donnait de succulentes tire-liche. Je pourrais décrire longuement ses talents en jardinage et en ornementation florale Cela suffit pour affirmer sans l’ombre d’un doute qu’elle était toute une fermière.