lundi 12 janvier 2015

Gérer l’éphémère


En 2013, quelques jours avant la merveilleuse et magique nuit de Noël, il a fallu qu’un petit drame personnel vienne ternir la jubilation qui commençait à s’emparer de ma personne. Le Reflet, un  bulletin destiné aux personnes retraitées  dont je suis le responsable était pratiquement terminé. Quelques pages à ajouter, quelques corrections à apporter et le petit Jésus pouvait renaître pour une 2013e fois encore.

Et le drame fut. Le disque externe contenant les précieux fichiers accumulés depuis des années rendit l’âme. Une mort sans prévenir. Aucun avertissement qui m’aurait permis de faire une sauvegarde ailleurs. Je me retrouvai subitement devant le néant total.  Même ma propre chronique déjà rédigée et qui avait le titre prémonitoire  de  mortelle randonnée était partie dans les confins lointain du néant.

Ne me demandez pas de régurgiter à nouveau les propos tenus dans cette chronique. Je ne m’en souviens plus. Je sais qu’il était question que dès notre naissance nous vivons le début de cette aventure mortelle qu’est l’existence humaine. Sortir du placenta de notre mère est déjà un deuil à faire. Briser sa toupie, se casser une jambe, perdre ses dents de lait,  égarer son chat, etc. autant de petits deuils à vivre.

Et que dire de l’adolescence avec tous ses rêves avortés, ces choix terribles à faire devant un futur incertain : une seule personne à aimer en exclusivité dans une union, un seul métier à envisager avant qu’un seul autre plus pertinent se présente, une automobile qui rend l’âme prématurément, des souliers qui s’usent, une nuit après l’autre qui s’envole. Oui, j’écrivais que notre vie est une mortelle randonnée.

Probablement que vers la fin de mon texte, je faisais allusion à nos vies  jonchées de mortelles disparitions, de diminutions corporelles, de vieillissement de l’être qu’on contemplait jadis sans se fermer les yeux, de fatigue, de titubage, de cataractes, d’insomnies, etc. Il me semble que je finissais  sur une note d’espoir où il était question de sagesse, d’acceptation, de lâcher-prise. J’en doute un peu suite à la réaction que j’ai eu devant la dépouille de mon disque externe. Avant d’accepter l’inévitable,  j’ai vécu une période émotionnelle très chargée. C’était  du déni suivi d’une violente colère.


Après avoir un bu une tasse de café assez corsé, je me suis contraint à en revenir. Ce n’était tout de même pas  l’annonce d’un décès, d’un cancer, d’un feu ravageur, d’une catastrophe ferroviaire. Ce n’était qu’un insipide disque externe contenant mes centaines d’heures  au service des personnes retraitées de l’enseignement. Je me suis abandonné. J’ai lâché prise et j’ai accepté de voir la réalité comme elle est : un disque externe caput. Je venais une fois de plus de gérer l’éphémère.

vendredi 9 janvier 2015

La grande oubliée


Qui est cette grandement oubliée, me direz-vous? Je vous donne tout de suite la réponse : la VOLONTÉ.

Je vais écrire ce texte en je même si cela concerne d’autres je formant ainsi à la longue un nous inclusif, expression que j’emprunte à une certaine dame qui en arrachait beaucoup  jadis parce que trop de volontés se manifestaient.

Mais avant de développer, il me faut une mise en situation, un préambule ou un sujet posé avant de l’amener trop loin. On ne te tue pas impunément un professeur de français retraité.

Depuis quelques années, j’ai assisté, entendu, vu plusieurs exposés visant à trouver la formule magique qui nous laisserait vivre longtemps et paisiblement.  Je vous en fais une courte énumération.

Je sais maintenant qu’en faisant mon épicerie je dois lire les étiquettes et vérifier le taux de sucre, de sel et autres poisons du genre.

Lors d’une conférence sur la fin de vie, j’ai appris que je ne dois pas m’enlever la vie pour une raison futile comme un vide existentiel, les articulations qui grincent, la nostalgie du travail passé ou quelques autres balivernes du genre. Il me faut une grosse et bonne raison pour poser ce geste fatidique. C’est noté.

Lors d’une conférence sur l’andropause, j’ai appris qu’il fallait avoir à l’œil ma prostate, que si ma libido avait baissé, c’était normal et qu’il fallait m’intéresser à autre chose qu’à cette chose qui devrait hélas faire partie de mes souvenirs sachant qu’elles préfèrent plutôt de la tendresse étant elles-mêmes ménopausées.

Dernièrement,  avec cette conférence sur les deuils, on m’a dit qu’il fallait apprivoiser la mort pour mieux vivre. C’était la condition essentielle pour développer l’art de bien vieillir. Alors je n’ai pas le choix. Quand je serai à l’agonie, j’essaierai de mon mieux de l’apprivoiser si je suis encore conscient et si je ne souffre pas trop. Il est certain comme disait DJ Champion que sur le point de crever plus tard ou le mieux vivre n’a plus grande signification, mais cela sonne bien dans une conférence et surtout lorsqu’on sait que ce sont les autres qui vont mourir.

Je pourrais continuer longtemps la liste des conseils qu’on me donne pour mieux vivre sereinement. On m’a parlé de re-traiter ma vie, de vivre l’instant présent, de m’adapter aux changements, d’avoir encore des projets, des rêves, etc.

Conclusion : j’en sais trop maintenant et cela m’angoisse. Ce qu’il faut,  c’est la volonté. Même si on me répétait cela cent fois, je sais qu’il faut que mon je passe à l’action et cela n’est pas évident. Mon intelligence voit que tout cela a du sens, mais la volonté se rebiffe, s’entête, se rebelle. Ce manque de volonté est une plaie généralisée : la paix au lieu de la guerre, la réforme électorale, l’endettement, la faim dans le monde, la pollution, etc.

Ce que vit mon je, le grand nous le vit également. Suis-je condamné à aller à d’autres conférences?

mardi 6 janvier 2015

Se réappropier sa vie


Cela semble étonnant d’écrire qu’il faut se réapproprier sa vie alors que nous vivons la sublime aventure d’une personne en vie. En me réveillant ce matin, j’ai fait un terrible constat. On passe sa vie à vivre pour. Oui, pour. Pour aller faire l’épicerie, pour laver le plancher, pour aller à l’hôpital, pour aller chez le dentiste, pour prendre sa douche, pour,  pour,  pour… Comment pourrait-il en être autrement. C’est sur quoi je m’épanchai longuement.

Sans devenir fou, peut-on porter une attention d’instant en instant aux tâches, aux expériences et aux rencontres de la vie courante? Jamais on ne m’a dit ou enseigné qu’il fallait que je mette de la conscience dans toutes les activités de ma vie quotidienne. Je dois alors comprendre et expérimenter par moi-même que le fait d’introduire de la pleine conscience dans tout fera ombrage à toutes ces pensées intruses qui fourmillent dans ma tête et qui s’interposent entre mon moi et ce qui se passe en réalité en ce moment. Je fis alors quelques pas dans ma chambre et je me suis dit que c’était tout un contrat à vivre, à réaliser.

Si je chasse toutes ces pensées venues d’ailleurs, il est évident que mon mental deviendra plus calme et plus attentif. Je constate qu’il est plus agréable d’être dans l’instant même que de se faire trimbaler par des pensées qui ne mènent  nulle part.

Assez palabrer. Mettons en pratique cette découverte prodigieuse qui m’arrive alors que ma vie tire à sa fin. Faire la vaisselle. Voilà le test le plus simple qui se présente à moi. C’est une tâche ordinaire que les 7 à 8 milliards d’humains sur cette planète doivent faire trois fois par jour. Toute une constatation, me dis-je. Je dois m’astreindre à ne pas me dépêcher pour passer à autre chose. Le fait de ne pas me dépêcher est déjà tout un défi en soi. Qu’est-ce qui serait mieux ou plus important que de laver cette vaisselle présentement? Je réalise qu’au moment où j’essuie mes plats, cela devient ma vie, mon instant présent. Je dois prendre conscience que cet instant de vie m’appartient totalement, que cet instant m’est unique.

Si je rate ce rendez-vous avec la vie parce que mon esprit m’amène ailleurs, j’appauvris mon humaine existence. Je prends donc chaque tasse, chaque assiette, chaque fourchette comme elle vient, conscient des mouvements de mon être quand je la tiens, la frotte, la rince, conscient du souffle et du mouvement de mon esprit tout présent dans mes moindres gestes.


Je venais de mettre en pratique le terrible constat fait le matin assis sur le bord de mon lit. Je réalisai que ce je venais de faire avec ma vaisselle pouvait suivre une approche similaire avec tout. Faire tout avec tout mon être. Une présence consciente dans chaque instant de vie fait de rencontres, de gestes routiniers, d’activités nécessaires pour le mortel que je suis. Je venais de comprendre qu’habiter son corps, être présent à soi-même, c’est le retour à la maison, c’est vivre l’instant présent sans se soucier du passé ni du futur. Ce n’est plus supporter le temps, c’est être le temps, vivre la permanence de l’impermanence. Telle est ma condition humaine.

vendredi 2 janvier 2015

L’avortement d’une résolution

Quand vous lirez ces lignes, on sera dans une nouvelle année  et l'on aura probablement pris de bonnes résolutions.  Le on n’exclut pas la personne qui écrit. Bien au contraire, j’ai évacué en quelques heures celle que j’avais prise de bonne foi et en toute candeur : celle de m’indigner. J’avais été influencé par le fait que j’écoute trop les nouvelles. Harper qui se fout du réchauffement climatique, qui emprisonne les jeunes contrevenants, qui détruit le registre des armes à feu et tous ces drames internationaux et toutes ces querelles partisanes, etc. J’avais pris cette résolution sous le coup de la colère.

Qu’est-ce qui m’a fait me dérésolutionner? La réponse est simple : ma santé. J’ai compris que cette résolution aurait eu ma peau, moi qui suis responsable de la page des décès dans un bulletin sectoriel de personnes retraitées. Je ne voulais pas m’y retrouver. Alors comme beaucoup d’entre vous, j’ai choisi de m’occuper de ma santé comme nouvelle résolution ce qui me donne une assez grande latitude. Je peux donc faire un peu ce que je veux. Je vais écouter de la musique classique toutes les semaines, faire un peu d’exercices, jouer au scrabble, apprendre à jouer au piano, etc.

Si j’avais maintenu ma résolution consistant à m’indigner, imaginez tout ce que j’aurais dû faire : établir un campement dans ma rue pour dénoncer le fait que l’armée américaine coûte 700 milliards $ aux contribuables, que le plus haut dirigeant au Canada gagne 169 fois le salaire moyen, que l’autoroute tarde à arriver à Saint-Georges, que les partis politiques ne feront que caqueter, que le Plan Nord donnera nos ressources aux multinationales et que nous récolterons que des miettes, etc.

Il faut dire qu’en regardant ma petite fille Évelyne jouer sous l’arbre de Noël, qu’en contemplant mon trophée de pêche au lac Gorgotton, cela m’a ramené les deux pieds sur terre et m’a aidé à trouver ce qui est essentiel : un peu plus de sagesse et surtout plus de réalisme.


Ah oui, j’oubliais qu’en regardant le film «Le bonheur de Pierre » j’avais entendu cette réflexion : Le bonheur est une façon de voyager…

lundi 29 décembre 2014

Devenir zen : mission possible


J’écris le mot « possible »  dans mon titre et le doute me gagne déjà sur le choix de ce vocable. Ce mot me cause déjà du stress. Il ne me sera pas facile de vous convaincre, je le sens dans tout mon être. Quoiqu’en passant l’aspirateur ce matin, je constate avec étonnement que ma chatte Capucine peut dormir tranquillement, à peine les oreilles pointées vers le boyau tonitruant, pendant que je contourne sa chaise. J’ai bien écrit sa chaise et son coussin douillet puisque tout lui appartient dans la maison.

J’ai toujours cru qu’il fallait se retirer du monde pour atteindre un certain degré de zénité. Pourtant à une certaine époque lointaine, mon idéal de jeunesse m’avait poussé dans cette direction. Hélas, je n’avais jamais été si stressé. Cela se comprend. Quand on prend une fausse direction et qu’on ne sait plus où on se trouve et où on va, le stress est à son comble.

Un contact Facebook m’a envoyé dernièrement une petite vidéo montrant un ermite  qui faisait son taïchi dans le désert. Un petit chien arrive avec sa boule dans la gueule et veut que l’ermite  la lance au loin afin qu’il la ramène. Un jeu tout à fait mignon, n’est-ce pas? L’ermite  dérangé dans sa routine par cet intrus lance la balle dans un précipice. Le chien tentant d’attraper la balle plonge dans ce vide fatal. Plein de remords, l’ermite s’avance vers le gouffre imprudemment et plonge à son tour vers le petit chien inconscient. La fin heureuse est que tous les deux se retrouvent vivants et pendant que l’ermite  lui la lance sa balle, ce dernier continue à faire son taïchi.


Cette histoire mignonne me fit comprendre que la zénité était un état d’esprit, quelque chose en dedans de nous qui fait que la paix s’installe malgré les bruits de notre civilisation. Ma chatte Capucine ronronnant sur mes genoux devient mon modèle à suivre. Elle ignore tout simplement toutes les causes du stress qu’un questionnaire de la Fondation du Cœur m’a fait découvrir. Mes réponses indiquent que je suis un sujet à risque. La féline zénitude  me fait entrevoir ce qui pourrait devenir mon humaine plénitude.

vendredi 26 décembre 2014

Apparence ou réalité

Il y a de ces jours où j’aimerais me réfugier dans le fond d’une caverne loin de tous les drames qui déchirent ma planète. Je me sens tellement impuissant, incapable d’agir sinon de laisser surgir en moi un cri de révolte. Que faire pour décolérer, pour apporter un peu plus de sérénité dans cet être meurtri?

J’ai beau chercher la vérité qui illumine mon existence, force est de constater que je vis dans un monde où la désinformation règne en maîtresse. Un bruit sourd se fait entendre constamment, le bruit des demi-vérités, des jugements hâtifs, des opinions non fondées, des murmures discordants des médias sociaux, etc.

Lors de mes études en philosophe dans une autre vie, j’ai toujours été fasciné par le fameux mythe de la caverne de Platon. Prisonniers dans une caverne, le seul contact avec l’extérieur était ces ombres que les hommes voyaient surgir sur les parois. Pour eux, tout ce qu’il voyait était la vérité. Ils ne connaissaient pas autre chose.

Dans ce monde d'aujourd’hui, ce que je vois et j’entends tous les jours est le pâle reflet de la réalité, j’en suis convaincu. La réverbération de toutes ces voix sur les parois de mon être m’éloigne très certainement de la réalité. Je me méfie des murmures et des bruits assourdissants qui ne font qu’amplifier le mensonge dans lequel mon humanité baigne.

Cela revient à dire que je suis laissé à moi-même dans ma propre quête. Je dois me taire et réfléchir. Chercher moi-même mes propres réponses au lieu d’être à la merci des propos loufoques d’un autre bipède sans plumes. Ce n’est pas dans le bourdonnement des tweets et des likes que je trouverai ma vérité.


Une petite voix s’éleva en moi pour me dire que je devrais me rappeler qu’il faut faire de l’exercice, bien manger, boire une petite coupe de vin rouge à l’occasion, chérir mes êtres chers. Je réalisai alors que le brou ha ha extérieur ne devrait pas venir ternir mon existence, que le plus important était de ne pas oublier d'arroser mes plantes et surtout de me souvenir que j’avais jadis épilogué sur la zénitude.