Dans une certaine enfance lointaine, ma vie se
conjuguait à l’impératif présent. On me disait sans détour comment vivre ma
vie. Si j’avais écouté ces sirènes de la mort, je n’aurais eu qu’à suivre un
chemin bordé selon les façons de faire de la famille, de l’école, de l’église,
de la société occidentale. Cette approche rationnelle, mécanique, matérialiste
beurrée à la sauce religieuse ne pouvait conduire l’être sensible que j’étais qu’au
désenchantement.
Au plus profond de moi-même, je sentais un impératif
romantique qui ne demandait qu’à éclore, qu’à colorer toute mon existence. Cela
signifiait pour moi une vision authentique du monde. Je ne pouvais m’assujettir
à une vision quantifiable de la vie d’où ma fascination pour ces héros qui
voulaient changer le monde.
Quand je regarde ce monde actuel où l’argent a une
si grande importance, je me désenchante de ce monde où seules les valeurs
comptables comptent. Cette modernité marchande m’horripile au plus haut point.
Ce qu’il y a de beau dans le romantisme, c’est cette conception de la vie, de
la mort, de l’amitié, de la nature éloignée de tout ce qui est mécanique et
prévisible. Assis sur le bord de ma rivière Chaudière, je peux passer des
heures à voir la nature autrement. Cette attitude de mon être qui contemple la
nature est pour moi à ce moment-là le réel absolu.
Je sais que la logique productiviste du capitalisme
m’encercle de partout. Je ne puis m’empêcher de me rendre compte que ma société
est axée sur la poursuite du profit, de la consommation et du confort matériel.
Cependant, il est évident que la qualité devrait l’emporter sur la quantité, la
fraternité sur la seule recherche du profit. Au plus profond de moi-même, je
réalise que je suis seul dans l’immensité indifférente de l’Univers. Je me dois
de choisir la voie qui permet à mon être de s’épanouir. Personne ne peut
m’empêcher de contempler la beauté profonde de l’être humain, de la nature qui
m’entoure. Si c’est cela être religieux, cette capacité de saisir ce qui
échappe à notre compréhension et ce qui nous laisse entrevoir indirectement
quelque chose de plus grand, cela me suffit pour donner un sens à ma vie de
terrien.
En contemplant mes fleurs, en écoutant la musique de
Mozart, en scrutant les profondeurs d’un ciel étoilé, le romantique que je suis
aura repoussé une fois de plus ces nuages de désenchantement d’un monde où le
quantifiable compte beaucoup trop.